Couvrir le risque économique lié à des aléas commerciaux (mévente, concurrence, etc.) permettrait aux entreprises et aux entrepreneurs de compenser, en toute ou partie, l’insuffisance du chiffre d’affaires prévisionnel escompté. Si les risques juridiques résultant de sinistres financiers, fiscaux, environnementaux et sociaux peuvent être couverts par des assurances obligatoires ou facultatives, qu’en est-il de la couverture du risque commercial ? Lié à la commercialisation d’un produit ou d’un service, raison d’être de l’activité de l’entreprise, les baisses de revenus liées à des difficultés commerciales demeurent un domaine peu sécurisé actuellement.

En clair, le fait dommageable susceptible de mettre en jeu la garantie de l’assureur n’est pas facile à cerner. Ce manque à gagner est, de plus, exclu du contrat d’assurance contre les pertes d’exploitation1.

La création, la vie et la dissolution d'une entreprise exposent à divers risques juridiques, mais le risque commercial (ou économique) mérite une attention particulière. Cet article en trois parties propose donc une analyse approfondie du risque commercial, ainsi qu’une contribution à sa couverture assurantielle.

Plan :

  1. Analyse du risque commercial.
  2. Assurabilité du risque commercial.
  3. Contribution à la couverture assurantielle du risque commercial.

I – Analyse du risque commercial

Pour une gestion proactive, l'évaluation des risques commerciaux est essentielle, notamment au lancement d'un nouveau projet ou d’un nouveau produit. Cela permet de prévenir les pertes dues à une insuffisance de chiffre d'affaires, qui découle souvent de prévisions de vente irréalistes, de la concurrence, des erreurs dans l'analyse de marché ou de variations de préférences des consommateurs, par exemple.

Éléments clés de l'analyse

  1. Études de marché irréalistes : les études de marché négligent parfois des facteurs économiques concrets, tels que les délais de production, la concurrence ou la dimension du marché. Cela peut engendrer des attentes excessives concernant les performances des produits. De plus, il peut s'écouler plusieurs mois, voire des années, entre la réalisation de l'étude et la mise sur le marché du produit ou du service.
  2. Concurrence accrue : l'émergence d'offres similaires ou de substitution peut rapidement saturer le marché et réduire les chances de succès du produit lancé.
  3. Défaillances de partenaires commerciaux : un partenaire ou un distributeur défaillant peut directement impacter les ventes.
  4. Retards de livraison : les retards de la chaîne d'approvisionnement affectent non seulement le chiffre d'affaires immédiat, mais également la réputation de l'entreprise.

Pour limiter les risques commerciaux, les entreprises doivent réaliser des analyses de marché détaillées, surveiller les tendances concurrentielles et adapter continuellement leur offre, tout en mettant l'accent sur les retours clients. Par exemple, les entreprises peuvent réaliser des sondages pour adapter leurs produits aux préférences des consommateurs avant leur lancement. Une entreprise automobile peut utiliser des groupes de discussion pour mieux comprendre les préférences des clients et leurs attentes en matière de fonctionnalités avant de lancer un nouveau modèle. La surveillance des tendances concurrentielles peut inclure l'analyse des prix, des promotions et des lancements de produits des compétiteurs. En réagissant aux changements du marché, comme une baisse soudaine des prix par un concurrent, une entreprise peut adapter sa propre stratégie pour rester compétitive et limiter les pertes.

Il est également recommandé de mettre en place un processus itératif dans le développement du plan marketing, en procédant par étapes et en réalisant des tests à chaque phase. Par exemple, tester une campagne publicitaire à l'échelle régionale avant de la déployer à l'échelle nationale. Cet apprentissage permet de recueillir des données précieuses pour ajuster la stratégie en conséquence. Ainsi, si une campagne ne génère pas le retour sur investissement escompté, l'entreprise peut rapidement modifier son message ou son ciblage.

Historiquement, les assureurs se sont focalisés sur des risques facilement mesurables. Ce qui l’est moins avec les risques commerciaux, qui ne peuvent actuellement pas être tous couverts.

Caractéristiques du risque commercial

Le risque commercial peut se manifester sous différentes formes, notamment par :

  • Des ventes insuffisantes au cours de la période concernée.

  • Un défaut de paiement des clients.

Il est souvent aggravé par des récessions économiques, des modifications des droits de douane, ou des inondations de certains marchés. En 2022, une étude de la Banque Centrale Européenne a indiqué que près de 25 % des PME avaient rencontré des problèmes de liquidité en raison de créances impayées2.

  • Des variations de la demande, des coûts des matières premières et des taux d'intérêt.

  • Des perturbations de la chaîne d'approvisionnement suite à des pandémies ou des catastrophes naturelles3.

Conclusion

L'assurabilité du risque commercial constitue un défi, mais également une opportunité pour les assureurs et les entreprises de collaborer afin d'améliorer la résilience économique. Avec une approche créative et des solutions adaptées, les entreprises peuvent se prémunir contre les impacts négatifs des événements économiques défavorables, assurant ainsi leur survie et leur croissance.

Notes

1 La garantie pertes d’exploitation protège contre les pertes de chiffre d'affaires suite à un sinistre, permettant de maintenir l'activité de l'entreprise. Elle couvre des incidents tels que les incendies, catastrophes naturelles, bris de machines, dégâts des eaux et actes de vandalisme.
2 Bulletin n°246, article 6. Cette nouvelle édition de l’étude annuelle sur la situation financière des PME mobilise 1,4 million de liasses fiscales 2022 dont, pour la première fois, 1,1 million de liasses de microentreprises. Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, la hausse des prix énergétiques, la fin des mesures de soutien Covid et la hausse des taux des crédits bancaires, les PME sont restées résilientes – que l’on considère les plus petites d’entre elles, les microentreprises, ou les autres PME, par nature plus solides. La valeur ajoutée a progressé sensiblement en 2022, tandis que le taux d’endettement est maîtrisé. Si cette tendance positive masque des situations individuelles hétérogènes, la proportion de PME en difficulté – telle que mesurée par la cotation Banque de France – n’a toutefois pas augmenté par rapport à la situation d’avant Covid. Le nécessaire resserrement des conditions de financement, ainsi que le ralentissement économique en 2023, invitent néanmoins à suivre avec attention la situation financière des PME dans les mois à venir.
3 Selon le Forum Économique Mondial, 67 % des entreprises ont subi des impacts en raison de la pandémie de COVID-19 sur leur chaîne d'approvisionnement.