Almine Rech Brussels est heureuse de présenter la troisième exposition de Brent Wadden avec la galerie.

Pour ce troisème solo-show à la galerie Almine Rech, l’artiste canadien Brent Wadden présente une nouvelle série de peintures, continuant d’interroger sa relation au temps.

Brent Wadden a toujours été un peu en dehors des courants mainstream. Après avoir étudié la peinture et le dessin au Nova Scotia College of Art and Design, et quand beaucoup démultiplient leur temps devant l’ordinateur, il s’intéresse au tissage. A Berlin, il apprend réellement le métier avec Travis Joseph Meinolf, un artiste originaire de San Francisco, ayant élu domicile dans la capitale allemande. Le lien avec l’école du Bauhaus apparaît évident, mais Brent Wadden avait amorcé sa curiosité avec les courtepointes de Gee’s Bend, tissées en Alabama, avant d’enrichir ses connaissances envers ce mouvement. L’intérêt de sa recherche se trouve davantage dans la sectorisation entre les médiums, tel qu’il le précise. « Tandis que le Bauhaus me semblait plus appuyé sur la notion de design industriel, je me focalisais sur ce que signifiait tisser. D’ailleurs, j’ai continué à réaliser des peintures murales ou à mêler les deux types de travaux dans mes premières expositions, mais cela me perturbait. J’ai alors réfléchi à transformer le tissage en ce qui pourrait être considéré comme une peinture. »

Dans des dimensions imposantes, Brent Wadden développe cette relative planéité aux formes géométriques dynamiques, qui parfois se poursuivent hors du cadre. D’aucuns ont déjà fait le lien avec les peintures d’Ellsworth Kelly ou encore de Bridget Riley. Mais cette nouvelle série nous mène encore plus en amont de l’histoire de l’art. A observer certains énergiques triangles bleus et rouges chauds, comment ne pas penser au futuriste Luigi Russolo ? Ou à ses pairs qui cherchaient à représenter la rapidité de la défragmentation de la lumière ? Bien que chaque point de tissage provoque un arrêt du temps, les œuvres de Brent Wadden convoquent une rythmique et presque une musicalité. Le plasticien parle beaucoup de combinaisons et de palettes de couleurs, déployant dans d’autres tableaux de doux camaïeux, bien que le médium impose une scission nette entre les tons. Il nous entraînerait aux sources de l’orphisme, que Guillaume Apollinaire qualifiait de langage lumineux, ou vers les créations de Sonia Delaunay. « J’aime beaucoup cette artiste, acquiesce Brent Wadden, mais la peinture permet davantage de liberté et de spontanéité que le tissage, plus long et laborieux de nature. Même si je peux réaliser rapidement des croquis ou des dessins préparatoires, l’exécution de l’œuvre est ensuite régulière et assidue, répondant à une composition précédemment élaborée. » Il se rend à l’atelier chaque matin et écoute des podcasts en échafaudant son lent corpus, mais refuse toute interprétation méditative. Il est, à l’inverse, totalement concentré sur le passage d’une couleur à une autre, observant les avancées ou reculs que provoquent les jeux de tonalités. Il n’hésite pas à se définir comme un « travailleur d’art », focalisé sur des questions purement plastiques. Il y a quelques années, Brent Wadden découvrit le mouvement Supports/Surfaces lors d’une exposition à Los Angeles et aima particulièrement le traitement du matériau de Claude Viallat. Dans un éternel retour aux sources du support, ce dernier emploie également le un vocabulaire relatif au labeur pour décrire sa pratique, ancrée sur un motif iconique depuis la fin des années 1960, afin de pouvoir se polariser sur la seule pictorialité.

« Mon vrai sujet, conclut Brent Wadden, porte sur le travail en lui-même. Il se décline sur l’organisation de mes outils et l’évolution de mes compositions, dont le rythme est dicté par l’action en train de se faire. Je suis uniquement absorbé par mon processus et, à la fin de la journée, je ressens la satisfaction d’une œuvre accomplie. » Il laisse ainsi aux autres leurs interprétations, pour raviver, chaque matinée, un procédé quasi-ancestral.