La Galerie Xippas est heureuse de présenter pour la première fois en Suisse, une exposition du photographe new-yorkais Matthew Porter.

Les photographies de Matthew Porter sont souvent des compositions, présentant des références historiques et culturelles avec lesquelles il fait coexister des événements disparates, que ce soit à l’intérieur d’une seule image ou bien en la déployant d’une image à l’autre dans des série de photographies soigneusement éditées. Il évolue librement entre procédés numériques et argentiques, s’intéressant tant à l’expérimentation en studio qu’à une photographie figurative, créant à la fois des récits fictionnels et des œuvres basées sur des processus précis.

Le titre de l’exposition « The Sheen, The Shine », littéralement : « l’éclat, la brillance », révèle à lui seul l’importance de la lumière dans les photographies de Matthew Porter. L’éclat : ce qui se reflète, réagit, et la brillance : ce qui illumine, sont les deux actions lumineuses exprimées dans les deux séries présentées dans l’exposition. Si la lumière permet à toute image d’exister en premier lieu, ici, Matthew Porter pousse ce principe à son paroxysme en usant de la lumière pour montrer le monde autrement. Elle est l’élément composite de toutes ses images, c’est elle qui donne le ton et qui va venir guider toutes ses expérimentations. Chez lui, tel un sculpteur, la lumière creuse, s’enfonce, jaillit, fait apparaître un relief, définit des espaces, des pleins et des vides, des volumes.

La première salle de l’exposition présente une série de photographies où figurent des compositions de matériaux à même le sol. Ces photographies ont été réalisées dans le studio de son père, un sculpteur qui a été marqué par les influences modernistes. Ces images ont pour objet le débris de fabrications de ses œuvres, des « restes » de matériaux inutilisés, qui reprennent vie derrière l’objectif. Ces constructions sont d’abord mises en scènes, puis composées par le medium photographique à l’aide d’expositions multiples. La lumière vient éblouir ces matériaux, son éclat réagissant différemment sur chaque matière : un miroir nous reflète un hors-champ quasi invisible, un métal blanchi nous éblouit, et ses ombres noires viennent créer des zones de vide absolu, une sorte de vertige dans l’image. L’action de la lumière qui se reflète à leur surface nous emmène dans une mutation des objets, vers un imaginaire nouveau, comme des villes utopiques ou des constructions du Bauhaus.

Ces constructions picturales rappellent aussi l’esthétique cubiste de Braque ou de Picasso, venant en quelque sorte créer une boucle temporelle. Matthew Porter met en lumière cette esthétique signant le début de la modernité en peinture, tout en le révélant avec le medium le plus moderne qui soit : la photographie. C’est ainsi qu’il confère un double hommage à l’histoire de l’art : celui de la sculpture, et celui de la peinture. C’est ce dialogue des techniques qui révèle une dialectique entre modernité et tradition, et qui délivre à tous les médiums artistiques un hommage esthétique évident.

La deuxième salle d’exposition présente une constellation d’une trentaine d’images de nature, de portraits ou de paysages. Elle se compose d’une série de photographies en couleur et en noir et blanc, représentant un lieu fictif centré sur la construction, l’abandon et la redécouverte d’une série de structures en forme de dôme. Ce lieu est une île tropicale sur laquelle plusieurs personnages discrets font des apparitions. On les voit accomplir des tâches, mais leur rôle et la chronologie de leur participation ne semblent jamais clairs. Leur objectif collectif semble ambitieux – la construction de structures liées à des dômes a une histoire étroitement liée à l’idéalisme utopique et à la résolution de problèmes futuristes. À la fois science-fiction, fantaisie et improvisation narrative, l’œuvre est un clin d’œil à la vision traditionnelle que l’orgueil post-colonial peut avoir sur les lieux tropicaux. Ces images, réalisées à partir de d’explorations stylisées de la lumière et de la couleur, nous emmènent vers un ailleurs. Ici, la lumière brille, illumine, parfois tellement que le sujet disparait dans une sorte d’abstraction lumineuse et colorée. Dans un sens, ces photographies libèrent le spectateur d’un regard contraint par l’histoire de l’art pour entrer dans une dimension plus nostalgique. Ces images, entre références historiques et sensibilité moderne, nous forcent à penser au résultat de l’image et ce qu’elle représente au sens figuratif, plutôt qu’à penser à la photographie en tant qu’œuvre concrète. Seule une sorte de fil narratif tissé discrètement se fait ressentir. Matthew Porter cherche à nous raconter une histoire, ou mieux, nous invite à développer la notre à partir à partir de l’imagerie à laquelle il nous confronte, telles des histoires intimes faites de sensations et d’interprétations mêlées.

Matthew Porter est né en 1975 à State College en Pennsylvanie aux Etats-Unis. Diplômé du Bard-ICP en 2006, il a depuis participé à de nombreuses expositions institutionnelles : «After Photoshop» au Metropolitan Museum of Art (New York, 2012), «Perspectives 2010» au Centre international de la photographie (New York, 2010). Récemment, il a pris part à des expositions collectives au George Eastman Museum de Rochester (New York, 2016), au Fotografiemuseum (Amsterdam, 2014). En France, son travail a été montré dans l’exposition « Autophoto » à la Fondation Cartier (Paris, 2017). Sa première monographie « Archipelago » a été publiée par Mack Books en 2015. Son travail fait partie de la collection permanente du Metropolitan Museum of Modern Art, (New York). En 2016, Matthew Porter a été invité par la maison Christian Dior à concevoir le design pour une ligne de sacs et d’accessoires pour le projet Dior Lady Art. Matthew Porter est représenté par les galeries M+B à Los Angeles, Invisible Exports à New York et Xippas.