Lois Andison présente à Art Mûr une nouvelle exposition intitulée move forward, look back. Sa production artistique intègre à la fois la sculpture cinétique, la vidéo et la réappropriation. Elle cherche à instaurer une interaction entre l’œuvre et le regardeur, afin de soulever un questionnement chez ce dernier sur des thèmes actuels tels que l’influence de l’histoire de l’art sur la création actuelle, les conditions du marché de l’art et le rôle que peut y jouer l’artiste. Les œuvres nudging marcel et threading water constituent les pièces centrales de l’exposition. Les autres œuvres contribuent à élargir la portée conceptuelle de l’exposition, en présentant différentes interprétations des thèmes principaux.

Pour réaliser nudging marcel, Andison a utilisé une mécanique à la fois complexe, rigoureuse et interactive. Elle fait directement référence à la Roue de Bicyclette (1913) de Marcel Duchamp, une œuvre ayant radicalement marqué l’histoire de la sculpture. En effet, en inventant le ready-made, «objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste»1, Duchamp prouvait que le statut d’une œuvre d’art n’est pas substantielle mais découlant de l’appréciation conjointe de l’artiste et de ses observateurs. En se rappropriant l’œuvre duchampienne, Andison opère une mise en abyme habile. Le statut de l’œuvre d’art résidant dans une sorte de contrat entre l’artiste et son public, on comprend mieux que les femmes artistes aient occupé une place tellement minoritaire dans l’histoire de l’art des sociétés patriarcales. Ainsi, le coup de coude (to « nudge » en anglais) s’entend au sens littéral comme au sens figuré. Littéralement, le dispositif cinétique active l’une des deux roues qui vient frotter la deuxième par intermittence et ainsi lui donner de l’élan. Ce mouvement active le readymade, comme si l’artiste souhaitait que des assertions de Marchel Duchamps découle une révolution des mécanismes de reconnaissance dans le Monde de l’art. Que la roue tourne enfin pour les femmes artistes.

La vidéo threading water, ainsi que la sculpture intitulée comb qui l’accompagne, présente une mise en scène où l’absurdité nait du changement d’échelle et du détournement d’usage d’un objet quotidien. On y voit une femme ratisser la surface d’un lac avec un peigne géant. Elle provoque des remous autour d’elle, qui mettent en relief les qualités cinétiques de l’eau. L’action de peigner l’eau paraît bien vaine, tant sa fluidité lui permet de retrouver rapidement un aspect lisse et glissant.

Dans un espace séparé se trouvent deux œuvres qui explorent de manière ludique le potentiel signifiant du langage. fragmented self présente un dispositif motorisé créant une série de mots à partir des lettres du nom de l’artiste. iou fonctionne de manière similaire, mais sous la forme d’une sculpture lumineuse animée, dont les lettres se modifient afin d’élargir les possibilités sémantiques. Les deux œuvres jouent sur l’intertexualité à l’intérieur d’un même mot. Dans Neon Burners, deux néons orange enroulés en spirale imitent les plaques chauffantes d’une cuisinière. Ici, Lois Andison s’appuie sur la sémiotique pour perturber l’observateur : La forme et la couleur de l’objet induisent sa chaleur et le cerveau ne peut s’empêcher de réagir à ce signal comme à un danger, même s’il est clair que l’œuvre n’est pas un élément électroménager.

L’art de Lois Andison est à la fois performatif, subtil et humoristique. Avec une sobriété de moyen et des éléments tirés de la vie quotidienne, elle fait appel aux notions de la pensée contemporaine pour nous donner un aperçu du fonctionnement de l’entendement humain.

Texte d’Elisabeth Coupat