Du jouet conçu par le pionnier de l’enseignement Friedrich Fröbel au musicien sarde Franco Melis, en passant par la tapisserie de l’Apocalypse datant du 14e siècle et conservée à Angers, une école Bollywood de Dakar, le palais idéal du facteur Ferdinand Cheval ou encore l’architecture utopique de Paolo Soleri... c’est comme si Aurélien Froment naviguait éclectiquement d’un sujet à l’autre. Pourtant, ils ont tous un point commun. Dans cette exposition, Aurélien Froment s’est attelé à mettre en valeur ces personnages et leurs réalisations. Pour la première fois en Belgique, le musée M propose un large tour d’horizon de l’œuvre d’Aurélien Froment. Trois nouvelles vidéos viennent compléter des installations, sculptures et séries photographiques récentes.

Les répliques des blocs de construction créée par le pédagogue allemand Friedrich Fröbel sont au cœur de la présentation. À plusieurs endroits de la pièce sont disposés des cubes, boules ou cylindres de différentes tailles. Une série de photos multiplie les formes dans l’espace. Ce faisant, au-delà de matérialiser la philosophie du pionnier de l’enseignement, en plaçant dans un musée un élément aussi usuel qu’un « jouet », Aurélien Froment lui confère un autre statut et s’inscrit dans le prolongement des idées de Fröbel. De plus, il a cherché dans la collection M des œuvres qui renvoient à ces formes de base. Elles sont présentées dans le même espace que cette installation.

Toute sa vie, le facteur Ferdinand Cheval (1836-1924) a ramassé des pierres. Leurs formes étranges et inspirantes l’ont amené à construire son « palais idéal ». Un foisonnement de personnages, animaux, plantes exotiques et ornements divers sont ainsi sortis de sa fantastique imagination. Aurélien Froment ramène le chef-d’œuvre de Cheval à son intention initiale, à savoir être le tombeau du facteur lui-même et de son épouse. Avec sa série de photos, il démantèle les statues qui composent cet édifice. Il emballe de tissu noir les motifs photographiés pour isoler les fragments de son inventaire idéal.

Pour sa nouvelle vidéo Apocalypse, il s’est inspiré de la plus grande tapisserie du monde : l’Apocalypse d’Angers. Elle illustre l’histoire de la Révélation ou l’Apocalypse, et le pouvoir du verbe divin. Aurélien Froment a illustré la bande-son du film par le texte de l’Apocalypse, filtré par la poésie de Jean-Pierre Brisset (1837-1919). À l’instar de Brisset qui voulait remonter aux origines de la langue française, Aurélien Froment analyse et applique la grammaire de ces sons primordiaux. C’est ainsi que le texte et les scènes de l’Apocalypse se rejoignent dans son film.

La polyphonie est un concept récurrent dans l’œuvre d’Aurélien Froment. Ici, cinq instruments à vent prêtés par le Musée des Instruments de Musique évoquent le corps d’un musicien. En regard, il place des vidéos (Non Alignés, 2016 & Le Chant du Monde,2017) traitant de l’hybridation entre l’Inde et le Sénégal qu’on retrouve dans la danse et la musique. On peut ainsi entendre le répertoire indien du chanteur Amadou Badiane, ou voir des Sénégalais danser comme à Bollywood.

Dans son dernier film Allegro largo triste (2017), Aurélien Froment a filmé le musicien sarde et joueur de launeddas Franco Melis (°1958, Tuili). Souvent, il n’y a pas de partition écrite pour ce genre de musique. Les musiciens vont donc faire leur apprentissage auprès d’un maître qui leur enseigne la technique et le répertoire. Cette vidéo d’Aurélien Froment est consacrée à la transmission du maître à l’élève de cette musique sans partition.

En 1970, l’architecte Paolo Soleri (1919-2013) se lance dans un chantier utopique à Arcosanti, en Arizona (USA). Il veut proposer une alternative au développement typiquement horizontal des villes, et concilier l’architecture et l’écologie : l’arcologie. C’est ainsi qu’il base sa technique de construction sur les procédés des artisans fondeurs de cloches. Pour sa série Earthworks (2015), Aurélien Froment est allé à Arcosanti. Au musée M sont exposées des cloches, constructions et maquettes réalisées suivant le procédé de coulée dans une matrice. Aurélien Froment